VINCENT
CORDONNIER
DIRECTEUR GÉNÉRAL
Ça y est : les 100 milliards pour les infrastructures de transport sont sur la table, ou presque,
avec un plan d'investissement qui nous amène en 2040. Avec un milliard par an pendant le mandat, la
trajectoire reste cependant à clarifier : « La route est droite mais la pente est forte. », surtout
après 2027 !
En attendant, la focalisation soudaine sur les RER Métropolitains rappelle la question du nucléaire
: c'est indiscutablement efficace à terme mais c'est long. Même si la première vague de financement
se concentre en grande partie sur l'amélioration de l'existant, on connait le rythme des projets
ferroviaires. On ne peut donc pas tout miser, notamment financièrement, uniquement sur le long
terme. Il faut garder des capacités d'actions pour des solutions plus légères, plus agiles, des «
quick wins » en bon français, et il faut continuer à avancer par ailleurs.
L'association pour le RER Métropolitain le rappelle et le projet de loi « SERM » abonde dans ce sens
: les projets ferroviaires ne fonctionneront pas seuls : ils devront s’entourer de pôles d’échanges
performants, prendre en compte l’intermodalité avec l’ensemble des réseaux urbains, et interurbains,
notamment avec les réseaux cyclables, et être accompagnés, en attendant et en complémentarité, par
le déploiement d’une offre efficace de cars express.
Plus largement, il faut bien sûr poursuivre le développement des projets en cours, continuer à
entretenir, étendre et améliorer les réseaux de transports urbains existants, comme celui de Caen la
mer, objet de notre « une », et profiter de la révolution digitale pour mieux connaitre les besoins
et concentrer les ressources rares sur les solutions multimodales les plus à même de générer le
report modal indispensable à court terme.
Avec les porteurs de projets que nous accompagnons, Agglomérations, Métropoles, Régions, AOM ou
Société du Grand Paris, mais aussi Transdev que nous appuyons par exemple dans ses travaux sur les
cars express ou l'utilisation des données mobiles (voir l’interview de Jean Coldefy), nous sommes
plus mobilisés que jamais pour intervenir sans attendre sur l'ensemble de ces sujets.
L’année 2002 a marqué le grand retour du tramway à Caen la mer. Le réseau s’est alors développé
autour du TVR (Transport sur Voie Réservé), tramway sur pneumatiques commercialisé par
Bombardier, pour desservir l’agglomération du nord au sud. Après des années de déconvenues liées
à la fiabilité de ce matériel, la Communauté urbaine Caen la mer a décidé de rompre le contrat
de concession afin de procéder au renouvellement complet de sa première ligne.
Cette opération de « tramferrisation », une première en France, s’est déroulée de 2015 à 2019.
Un an et demi de travaux ont été nécessaires pour transformer plus de 16 km d’infrastructures et
assurer le changement du parc de matériel roulant au profit des rames Alstom Citadis 305.
Après une rapide période de mise au point, le tramway a enfin repris sa place de colonne
vertébrale du réseau de transports de la Communauté urbaine, grâce à sa fiabilité retrouvée.
Fort du succès de cette opération, Caen la mer a décidé de concrétiser la création d’un axe
est-ouest, déjà à l’étude depuis 2012. Depuis juin 2022, Transamo accompagne la Communauté
urbaine en tant que mandataire de maîtrise d’ouvrage de l’opération, en vue d’une mise en
service à l’été 2028.
Du 30 septembre au 30 novembre 2022, une concertation préalable s’est tenue sur le territoire,
encadrée par la Commission Nationale du Débat Public et organisée par Caen la mer. Les
dispositifs mis en place visaient à recueillir le plus largement possible les avis de la
population, au travers d’une large campagne de communication, d’un site internet dédié au
projet, d’une plateforme de concertation en ligne, mais aussi de réunions publiques, de
permanences, d’un stand itinérant notamment sur les marchés, ou encore de marches exploratoires
sur les lieux du futur tracé. Près de 3000 personnes se sont activement renseignées au travers
des différents temps d’information et plus de 1300 avis ont été recueillis.
Le 28 février 2023, au terme de cette étape de concertation, les élus de Caen la mer ont retenu le tracé définitif de l’opération (tracé B) ainsi que les modifications apportées pour répondre aux attentes exprimées par la population au cours de ce processus participatif : ajout de stations, préservation des alignements d’arbres, optimisations autour des parking relais, sécurisation des pistes cyclables.
Un programme de transport ambitieux au service d’un développement urbain
dynamique
Martin ODEN, Directeur de mandat |
Jean Coldefy a auparavant été en charge de la mobilité à la métropole de Lyon après 20 ans comme
responsable des mobilités et de l'innovation dans une société de conseil. Il a été élu local
pendant douze années dans le périurbain lyonnais. Membre du comité scientifique de France
Mobilités au ministère des transports, il a activement contribué à l'élaboration de la loi
d'orientation des mobilités. Il conseille des entreprises et des collectivités sur leurs projets
de mobilité.
Jean Coldefy intervient également en tant qu'enseignant dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur et universités. Auteur de nombreuses publications dans des revues spécialisées et des journaux tels que Transports Infrastructures et Mobilité, RGRA, Fondapol, TEC, VRT, Les Echos et Le Monde, il a également publié un ouvrage sur la décarbonation des mobilités et son financement en 2022* .
La décarbonation est un enjeu majeur des politiques actuelles de mobilité. Pour autant, vous militez pour une mobilité juste et décarbonée, et non juste décarbonée. En quoi cette distinction est-elle capitale ?
Parce que les enjeux d’une société ne se résument pas au seul carbone. La mobilité est un
besoin fondamental à la vie de tous les jours. Il s’agit de permettre à tous de pouvoir,
dans des coûts et délais raisonnables, aller travailler, étudier, se soigner, se nourrir, se
divertir, etc. La voiture est l’outil principal permettant d’assurer les mobilités. Elle
pèse 80% des kilomètres parcourus dans quasiment tous les pays de l’OCDE. Son problème
majeur est la place qu’elle prend dans les espaces publics, particulièrement en ville où cet
espace est rare. Dès le milieu des années 1980, des initiatives ont été prises afin de
réduire la place de la voiture en ville, en particulier avec les projets de tramway à
Nantes, puis Strasbourg, Saint Denis, etc. Il s’agissait alors d’améliorer la qualité de vie
et des espaces publics face à l’automobile. Ce fut un succès et nous avions atteint un
équilibre : des centres villes apaisés, une accessibilité assurée depuis l’extérieur
essentiellement par la voiture, les gens payant un péage temporel avec la congestion.
L’irruption du carbone va briser ce consensus et cet équilibre. Il faudrait éviter de tomber
dans l’excès où accessibilité et décarbonation seraient opposées.
Une mobilité juste et décarbonée doit permettre l'accessibilité aux emplois, à la santé, aux
divertissements et aux services pour tous, indépendamment du lieu de résidence. Elle
implique de proposer des alternatives de transport efficaces avant d'imposer des contraintes
sur l’usage de la voiture, assurant ainsi un équilibre entre la réduction des émissions de
carbone et un accès équitable aux ressources et opportunités des villes.
Vous êtes convaincu que les enjeux de mobilité actuels se situent dans le périurbain, les zones urbaines denses ayant déjà été étudiées et "traitées" : pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Je ne me base pas sur des convictions, mais sur des faits pour aborder les enjeux de mobilité
actuels. En France on raisonne trop « moyens » (et modes de transports) plutôt que « besoins
». Il faut revenir aux objectifs, qui sont en résumé de permettre à chacun de se nourrir, se
former, se soigner, se divertir, à des coûts raisonnables et sans polluer.
Or 90% de la population française est économiquement polarisée sur les villes alors que 50%
des Français vivent dans un environnement rural. Un quart à un tiers des actifs des
agglomérations n’y habitent pas. Les flux quotidiens vers les métropoles sont très
importants. Les liaisons périurbain ↔ agglomérations représentent 5% des émissions
nationales sur un total de 16% d’émissions liées à l’automobile en France (5% liaisons
longue distance, 5% liaisons périurbains - agglomérations, 4% intra-couronnes, 0,2%
villes-centre). La faible part d’émission liée aux villes centre s'explique par la faible
part des habitants des communes centres, qui réalisent le moins de kilomètre et qui le font
essentiellement en transports en commun. Aujourd’hui c’est donc sur le lien avec le
périurbain qu’il faut agir. Ce qui n’est pas simple du fait de l’urbanisation des zones
périurbaines qui en France, contrairement aux pays nordiques par exemple, est éparpillée
plutôt que concentrée le long des axes de transport structurants, qu’ils soient routiers ou
ferroviaires. La voiture est de ce fait devenue l’outil principal pour l’accès à la ville.
L'offre de transport TER n’a pas accompagné ce développement du périurbain à la hauteur du
besoin. Dans les aires urbaines l’offre de transports publics est vraiment très inférieure à
la demande. Sur Lyon, il y a 220 000 navetteurs pour 38 000 places dans les TER. Compte tenu
des problèmes d’infrastructures, il n’est souvent pas possible d’augmenter les fréquences
ferroviaires. C’est donc aussi par la route que le report modal devra s’opérer. Si on assure
un report modal de 50% sur les liaisons périurbain – agglomérations, la part modale de la
voiture serait réduite de 80% à 65%. Il faut déployer de l’offre de transports collectifs de
manière ciblée là où existe un potentiel de report modal réel.
Le propre de politiques et de projets de mobilité pertinents repose sur la bonne connaissance des habitudes et pratiques du territoire. Quel pourrait être l'apport de nouvelles sources de données pour l'analyse de la mobilité dans les aires périurbaines ?
Certaines données traditionnelles dont on dispose pour analyser la mobilité, et sur
lesquelles sont basées les politiques publiques, sont finalement assez peu précises, alors
qu’il est important d’avoir une très bonne compréhension de la géographie et temporalité des
déplacements pour construire des réponses répondant aux besoins.
Les enquêtes ménages déplacements (EMD**) fournissent des données très précises sur les
motifs et les caractéristiques des personnes. Ces enquêtes pourraient d’ailleurs être
beaucoup plus exploitées, je pense notamment à l’analyse des boucles de déplacements. Mais
les matrices O/D des EMD sont très imprécises, voire un vrai gruyère ! Les données issues
des opérateurs de téléphonie représentent un potentiel complémentaire important, car elles
permettent de connaitre les flux de mobilité périurbains avec une précision accrue et
au-delà des seuls usages domicile-travail. D’où l’intérêt de combiner ces sources de données
traditionnelles avec les nouvelles sources numériques massives, pour mieux comprendre les
habitudes et les pratiques du territoire, et ainsi élaborer des politiques et projets de
mobilité pertinents, en particulier à l’échelle de l’aire urbaine. Chaque donnée doit être
utilisée en fonction de ce qu’elle permet, aucune ne peut décrire la réalité. C’est la
combinaison des données qui apporte une compréhension fine des mobilités.
Une thèse va ainsi être cofinancée et copilotée par Transdev, le LAET et l’ENTPE, pour
étudier l'utilisation conjointe des deux types de données pour améliorer les services de
mobilité et les réseaux de transport public. Ce projet devrait permettre de réaliser des
avancées significatives dans le domaine de la mobilité à l’échelle de l’aire urbaine et de
concrétiser les bénéfices apportés par ces nouvelles sources de données.
Les dynamiques singulières de ces aires périurbaines amènent-elles à penser de nouveaux modes de transport et services ?
Il est crucial de reconnaître les dynamiques des aires urbaines et de concevoir de nouveaux
modes de transport et services adaptés au périurbain et à ses liens avec l’agglomération. Au
sein de ces territoires de faible densité, et du fait de l’éparpillement que j’évoquais, le
transport public n'est en général pas la solution adéquate. La voiture, notamment
électrique, restera sans doute la solution principale afin de réduire considérablement les
émissions. Les offres alternatives de type TAD doivent être bien ciblées et réservées à ceux
qui ne peuvent pas ou plus conduire.
En revanche, il faut agir et concentrer les efforts sur les liaisons périurbain –
agglomérations, en mettant en place des transports en commun efficaces, qui permettront
l’accès aux villes-centre et à leurs proches couronnes. Il faudra demain beaucoup plus
d’intermodalité, avec des interfaces entre modes évitant les pertes de temps et un accès
simplifié aux différents services. Il faut viser l’intégration maximum (MaaS) pour réussir
le report modal et réduire ainsi les émissions de carbone de manière significative.
Quels sont les rôles clés des bureaux d’études tels que Transamo pour accompagner les collectivités dans la planification et la mise en œuvre de solutions durables pour une mobilité juste et décarbonée ?
La mobilité concerne tout le monde, tout le monde a un avis sur le sujet. Mais la véritable
compréhension des enjeux et des besoins de mobilité n’est pas aussi simple qu’elle en a
l’air. C’est un domaine complexe, qui englobe des aspects géographiques, économiques,
sociologiques et psychologiques.
Les bureaux d’études ont un rôle crucial à jouer pour aider leurs clients collectivités à
prendre du recul par rapport à un certain nombre de croyances simplistes sur la mobilité et
leur proposer des solutions pragmatiques et adaptées.
Ils doivent les aider à raisonner en termes de biens communs à optimiser, c’est-à-dire des
ressources publiques rares : l’espace et les finances publics, mais aussi le quota de CO2
pour rester en dessous de 1,5°. Raisonner ainsi décale l’analyse militante modale. Le
transport collectif, ou en tous cas le ferroviaire par exemple, n’est pas la bonne solution
partout si on raisonne en termes de biens communs. Aujourd’hui on peut observer une
efficience très faible du transport public, car nous en avons déployé de manière trop
systématique sur des territoires où il ne peut pas répondre à la demande. Le transport
public n’a de sens que s’il est fréquenté. S’il ne l’est pas il faut le supprimer.
Il s’agit aujourd’hui d’aider les collectivités à remettre l'efficience au centre du jeu, en
visant un coût du transport public moindre au passager-km que la voiture (ce qui n’est pas
le cas), avec des services mieux ciblés et en intégrant le coût de la tonne de CO2 évitée
dans les choix politiques.
Par ailleurs, l’apparition de nouveaux acteurs dans l’étude et la mise en valeur de la
donnée doit inciter les bureaux d’étude traditionnels en mobilité à utiliser ces données.
Les gains de productivité et les gains en finesse d’analyse sont évidents., Ceux qui
délaisseraient cette nouvelle ressource prendraient un risque important pour leur
développement et pour rester dans la course. Ces nouveaux acteurs n’ont pas la maîtrise du
domaine complexe qu’est la mobilité. Les bureaux d’études et conseils avec ces nouvelles
données oint la possibilité de conserver leur positionnement de conseil auprès des
collectivités, en tant que garant de la rigueur scientifique associée à leur usage, aux
analyses et aux propositions qui en découlent.
En conclusion, je pense qu’il faut vraiment réconcilier la science et les décisions
politique et revenir à une approche plus rationnelle des études et de la décision politique,
pour le bien commun.
*Mobilités : changer de modèle, solutions pour des déplacements bas carbone et équitables,
Publishroom 2022
**Aujourd’hui enquêtes mobilité certifiées Cerema (EMC²) :
https://www.cerema.fr/fr/actualites/enquetes-mobilite-certifiees-cerema-emc2-principes
Le domaine de la mobilité est en perpétuelle évolution, en termes de pratiques et de besoins, s’adapter continuellement pour offrir un service adéquat revêt donc une importance majeure pour l’ensemble de ses acteurs. La collecte de données quantitatives est très importante dans ce contexte, car elle permet de bien comprendre les enjeux de mobilité sur un territoire donné, et d'adapter la taille ou la configuration des services et des infrastructures en fonction de leur utilisation. En connaissant par exemple la fréquentation d'un service ou son niveau d'offre, il est possible d'anticiper et de planifier des changements dans l'offre de mobilité, tels que la définition d'alternatives ou d'actualisations, le choix d'un mode de transport, ainsi que l'estimation des gains ou des coûts associés à un projet.
Le mode de collecte le plus communément utilisé historiquement est la tenue d’enquêtes dédiées. A à un besoin formulé correspond alors la mise en place d’une campagne ad hoc : comptages (de flux routier ou de la fréquentation de lignes de transports collectifs), enquêtes origines-destinations, enquêtes ménages-déplacements... Généralement, la teneur de cette collecte (dimensionnement, mode de récupération des données, …) est issue d’un arbitrage entre significativité et ressources, notamment lorsqu’il est nécessaire de mobiliser des enquêteurs dédiés. Les données ainsi recueillies offrent une bonne vision de la situation à un instant donné, avec la contrainte de ne pouvoir être actualisées aisément.
L’exemple des Enquêtes Ménages est caractéristique : composées de questionnaires longs et précis, elles garantissent une excellente significativité de la population à l’échelle d’un territoire. Mais celles-ci sont particulièrement longues et complexes à mettre en œuvre, d’autant plus que le taux de refus augmente ces dernières années. Elles constituent une source d’information précieuse pour l’analyse de la mobilité, mais qu’il faut souvent compléter par d’autres données lorsqu’elles sont un peu anciennes ou que des évènements ont pu impacter significativement la mobilité sur le territoire étudié depuis leur réalisation. Dans le cas de l’Île-de-France, territoire mouvant s’il en est, les dernières données complètes exploitables datent ainsi de 2010 et ne prennent pas en compte, par exemple, le développement du réseau de tramways, les dernières extensions du métro en banlieue, le développement des mobilités alternatives, la mise en œuvre de politiques volontaristes en faveur du vélo, etc. Autant d’évolutions majeures susceptibles de modifier profondément les pratiques, et de rendre les informations caduques, aussi fines soient-elles. En attendant la sortie complète des données de la nouvelle enquête*** , d’autres sources de données doivent être mises à contribution.
De ce fait, le monde des transports est particulièrement concerné par l’utilisation et la mise en valeur des données massives (dites passives) dans le sens où il s’agit de l’exploitation d’informations qui ne sont pas issues d’une campagne dédiée. Plusieurs sources de données sont proposées sur le marché, avec des degrés de développement, de volumes, de couverture du territoire ou de finesse des informations variables. En particulier, l’utilisation des données de bornage des réseaux de téléphonie mobile est prometteuse : représentant une large part de la population, intégrant les non-résidents — contrairement à des enquêtes ménages — et facilement actualisables, les données de flux qui en sont issues complètent avantageusement les autres informations disponibles. Ces données en temps quasi-réel permettent d’améliorer en continu la connaissance des mobilités et pallier certains manques des sources « historiques ». Si ces données mobiles sont particulièrement intéressantes pour leur représentativité, d’autres sources telles que les données GPS ou issues des systèmes billettiques permettent de compléter les informations à diverses granularités.
Quelle que soit la source des données cependant, il est crucial d’en maîtriser les atouts et les faiblesses afin de les exploiter au mieux. La quantité d’information disponible à travers ces nouvelles sources est à mettre en perspective avec le volume qu’elles représentent, les informations qu’elles apportent par rapport à une échelle et un besoin d’analyse spécifique, le degré de finesse possible (le zonage auquel ces données sont disponibles par exemple, est un critère majeur à prendre en compte), la couverture temporelle, ainsi que les compétences spécifiques nécessaires pour les traiter, corriger, comparer, et expliquer.
Connaitre, comprendre, savoir utiliser et croiser ces données, en s’appuyant sur une réelle expertise des mobilités constitue aujourd’hui un défi majeur. Les équipes de Transamo s’attachent à y répondre chaque jour par la mobilisation de profils pluridisciplinaires en dialogue constant. Derrière les données, outils majeurs d’objectivation et de décision, ce sont des personnes réelles qui vivent, se déplacent et utilisent les ressources dont elles disposent. Garder cela à l’esprit demeure absolument fondamental pour assister efficacement les décideurs dans les actions en faveurs des mobilités d’aujourd’hui et de demain.
***Enquête Globale Transport (EGT H2020) Île-de-France Mobilités-OMNIL-DRIEA, en cours de réalisation, qui portera sur la période 2018-2022.
Christine Jouannaux
Directrice juridique de Transamo
L’effacement de la ligne aérienne de contact : retour d’expérience de 25 ans d’évolutions
Aux débuts de l’exploitation des tramways était la traction hippomobile. Puis rapidement les moyens
mécanisés ont pris le pas sur l’animal et des modes de propulsion les plus divers ont fleuri à la
fin du XIXéme et au début du XXéme siècle (électrique, air comprimé, vapeur, …). La fée électricité
s’est imposée rapidement et les concepteurs de l’époque ont alors cherché à se passer des fils
disgracieux et des perches de captations à l’efficacité aléatoire. Ce fut le temps des batteries au
plomb et des alimentations par caniveaux au sol (mortels pour les chevaux encore nombreux).
Finalement, la LAC (ligne aérienne de contact) s’est imposée comme le moyen le plus efficace, et
l’ensemble des réseaux urbains et certains réseaux périurbains locaux ont adopté ce mode de
transport de l’énergie de traction.
Lors du renouveau du tramway français, la LAC a à nouveau été plébiscitée, et elle a même pu être
utilisée, notamment ses poteaux support, par certains concepteurs comme un élément signal de la
présence du tramway. Néanmoins, certaines autorités organisatrices ont alors exprimé le désir de
faire disparaitre du paysage urbain, et en particulier sur des sites classés, ces fils de LAC et les
supports qui y sont inévitablement associés. Grâce au bond technologique des semi-conducteurs de
puissance, c’est alors la (re)naissance de l’alimentation de traction par le sol : il faut citer
l’APS d’Innorail/Alstom à Bordeaux qui en est l’innovateur. Des solutions alternatives à cette
technologie « sans LAC » sont alors développées et l’amélioration exponentielle des capacités de
stockage d’énergie ont permis l’émergence du biberonnage de CAF à Séville ou du démonstrateur
Primove de Bombardier, et la traction en pleine autonomie de la ligne 1 à Nice.
Même s’ils présentent une efficacité énergétique sans égale dans le paysage des systèmes de
transport (kWh consommés vs km parcourus & capacité de transport), les tramways modernes nécessitent
de mettre à leur disposition des puissances électriques conséquentes.
Le(s) fil(s) de cuivre de la LAC et son binôme embarqué qu’est le pantographe restent la solution la
plus répandue. Le couple (LAC-Pantographe) a pour lui son universalité vis-à-vis des fournisseurs de
matériel roulant, sa robustesse de fonctionnement et sa pérennité dans le temps.
L’alimentation par un rail continu au sol et un patin qui capte le courant peut être vu comme une
transposition sécurisée du système précédent (il ne faudrait pas qu’un barreau soit alimenté quand
il est accessible aux usagers de la voirie). Il requiert néanmoins un pack batterie restreint pour
la continuité de l’exploitabilité des rames.
Les systèmes avec stockage d’énergie embarquée permettent de s’affranchir, sur des sections
choisies, de l’infrastructures de transport d’énergie. On peut « biberonner » un stockage constitué
d’une hybridation entre batteries et capacités via un contact ponctuel au sol ou aérien positionné
en général en station. C’est la technologie mise en œuvre par CAF à Luxembourg par exemple. L’autre
solution consiste en une « charge en ligne » qui, pendant la circulation des rames sous LAC, stocke
l’énergie dans des batteries de puissance. C’est le système qui va être mis en œuvre à Caen en
rétrofit sur l’ensemble du parc Citadis et en effacement de LAC sur la ligne existante et sur la
nouvelle ligne.
Dans ces deux cas, la LAC reste en général le mode majoritaire de captation sur la ligne.
Les coûts associés à chaque technologie sont extrêmement variables ; leurs capacités de
franchissement également.
Les systèmes étant très liés aux fournisseurs de matériel roulant, la portabilité ultérieure de la
technologie de captage n’est pas toujours évidente à réaliser.
Le tableau ci-après synthétise pour chaque famille de technologie les principales caractéristiques :
Si la LAC reste aujourd’hui la solution de captation d’énergie la plus performante en termes de
maturité technologique, de coûts d’infrastructure et de contraintes d’exploitation, les nouvelles
solutions associant des batteries embarquées, et les progrès encore à venir dans ce domaine,
permettent d’envisager de bonnes alternatives à l’APS pour traiter des sections de ligne
particulières.
Sébastien Holstein, Expert Systèmes Tramway |
De nouvelles rames pour Brest, Besançon et Toulouse : Transamo a été retenu pour accompagner le pilotage technique et contractuel du marché de fourniture de rames de tramway et de prestations associées pour les agglomérations de Brest, Besançon et Toulouse. Ces trois agglomérations se sont en effet groupées pour mutualiser l’acquisition de 22 à 30 nouvelles rames pour leur réseau respectif.